dimanche 13 août 2017

// To the Bone // Feed // : Deux visages de l'anorexie au cinéma

Après s'être attaqué au harcèlement scolaire et au suicide avec 13 Reasons Why, Netflix nous propose d'aborder les troubles du comportement alimentaire et plus précisément l'anorexie dans le film To the Bone. Comme pour la série citée ci-dessus, To the Bone a été créé par des personnes qui se sentent concernées par cette problématique mais aussi, il est la cible de nombreuses critiques l'accusant de donner une fausse image de la maladie mentale. Pour 13 Reasons Why, je n'était absolument pas d'accord avec lesdites accusations mais concernant To the Bone, elles méritent qu'on y prête attention.

Comme le souligne Jennifer Rollin (psychothérapeute spécialiste des TCA), To the Bone, réalisé par Marti Noxon, offre une vision quelque peu édulcorée de l'anorexie. Ellen s'est isolée suite à un drame qui l'a frappée et dont elle se sent responsable. Elle a connu plusieurs hospitalisations et sa famille s'inquiète pour elle. Néanmoins, le rôle est endossé par Lily Collins, certes pâle et cadavérique mais dotée d'une magnifique chevelure, un maquillage un brin gothique et un look d'ado cool à peine négligée. 

Ellen est un personnage sympathique, doté d'un humour piquant, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds même si cette apparente assurance cache une grande vulnérabilité et une crainte de quitter la bulle qu'elle s'est créée pour se protéger de tous ces évènements qu'elle ne parvient pas à maîtriser. 

Ellen interprétée par Lily Collins

Il est intéressant qu'elle rencontre d'autres personnes dans une situation similaire, de morphologie et de passé différents. On reproche au film que reste associée l'idée d'anorexie à celle de maigreur extrême. L'anorexie n'est pourtant pas que cela, et le travail thérapeutique n'est que survolé au travers du Dr Beckham (le si sexy Keanu Reeves) qui est plutôt dans l'optique de laisser ces jeunes trouver leur propre solution et donner du sens à leur existence. On est un peu dans le raisonnement des gens qui disent aux personnes dépressives de se bouger et d'arrêter de se plaindre. On a envie de faire avancer les choses, d'aider les gens à se sauver par leurs propres moyens, mais ce ne fonctionne pas comme ça. Sur le papier, ça rend bien, mais ce n'est pas aussi simple que cela. S'ajoutent d'autres problématiques qui semblent un peu jetées en vrac comme la dépression post-partum et le suicide mais elles sont tellement survolées que je n'ai pas de quoi les développer ici, même si elles sont finalement mises en lien avec l'anorexie d'Ellen dans le récit.
En revanche, beau travail avec tous les membres de la famille qui se tapent dessus et se rejettent le faute de ce fléau qui a détruit la vie d'Ellen qui elle-même se sent responsable de beaucoup de choses, ce qui l'empêche d'avancer d'une quelconque manière. De même que ce film présente bon nombre de points positifs tant par le jeu et l'implication des acteurs, certains évènements douloureux et cruellement réalistes qui se produisent au cœur de l'établissement de soins. Sans compter les relations qui se nouent entre les personnages, tous tellement différents et pour beaucoup très attachants. 

Bref, on peut reprocher à To the Bone sa volonté de dénoncer sans suffisamment creuser, de vouloir traiter une thématique en se cantonnant aux idées classiques que l'on partage presque tous, mais il vaut le détour pour les émotions qui en ressortent et le message d'espoir qu'il offre à la fin. 


Passons à Feed, réalisé par Tommy Bertelsen, que j'ai regardé dans la foulée, sans trop en connaître le thème ni même de quoi il retournait, juste parce que j'avais remarqué en tête d'affiche Troian Bellisario (Pretty Little Liars) et Tom Felton (Harry Potter). Finalement, c'est ce film qui a su me surprendre et clairement sortir du lot sous tout un tas d'aspects. A noter que Troian Bellisario a elle-même écrit le scénario est s'est inspirée de son expérience personnelle au lycée pour parler de ce que vit Olivia Grey.

Grosse déception car ce film n'aura pas droit à une sortie au cinéma. Actuellement je n'ai pas eu vent d'une sortie DVD mais il est disponible à l'achat numérique sur iTunes en espérant qu'il ait bientôt droit à d'autres plateformes (n'hésitez pas à passer l'info).

Sachez qu'il y aura des révélations sur le film dans les paragraphes qui suivent (sur le déroulement, pas le dénouement) aussi, si vous souhaitez avoir comme moi l'entière surprise de l'intrigue, je vous invite à stopper ici votre lecture. Sinon, poursuivez à vos risques et périls...

Donc on fait la connaissance d'Olivia et Matthew Grey, jumeaux de 18 ans qui entament leur dernière année commune de lycée. Chacun studieux et promis à un grand avenir, un drame les sépare l'un de l'autre. Olivia, qui a vécu chaque moment de sa vie épaulée par son frère n'est plus sûre de pouvoir mener seule l'existence qui lui était promise. C'est là que le film devient intéressant. Car Matthew revient, il n'apparait qu'à Olivia, comme si leur lien était assez fort pour contrecarrer la Mort elle-même. Pourtant, Matthew se montre violent, cruel et manipulateur avec Olivia qui se sent coupable de continuer à vivre alors qu'ils s'étaient promis de mourir ensemble, enfants. Cette voix qu'elle croit être celle de son frère, qui l'oblige à tout maitriser tout le temps elle qui craignait de perdre le contrôle après que son frère l'ait quittée.
C'est cette voix à l’allure familière et bienveillante qui entrainera sa descente aux Enfers, qui l'emprisonnera dans la maladie en se faisant passer pour une amie, qui lui donnera le sentiment de dominer la situation quand elle n'aura plus la moindre emprise sur sa propre existence.
Il est important de noter que Tom Felton est excellent dans ce rôle, aussi déroutant que terrifiant.

Olivia interprétée par Troian Bellisario
Voilà la grande force de ce film. Il ne porte pas de grosse étiquette "maladie psychiatrique", "trouble du comportement alimentaire", car il est bien plus que cela. Tout un tas d'indices sont disséminés au fur et à mesure que l'intrigue avance. Les part de repas qu'Olivia réserve à son frère, les cours qu'elle parvient à rattraper à une vitesse phénoménale, son incapacité à entretenir une relation intime stable, le regard de son père lorsqu'il lui prend le bras, son humeur et sa fatigue qui fluctuent. Car Olivia a perdu un être cher, le pilier de son existence, son point d'encrage, celui qui permettait à cette accros du contrôle, l'élève modèle par excellence de toujours avancer droit et atteindre ses objectifs. Un choc violent qui l'ébranle et son équilibre psychologique s'effondre comme un château de cartes. Et cela ne se voit pas tout de suite. Son petit ami comprend que quelque chose se trame mais lui en fait part de manière trop violente. Les parents sont encore sous le choc de la perte d'un enfant, et sont inquiets pour leur fille mais le danger qui la guète n'est pas celui qu'ils pensent.

Bref, pour moi Feed est une réussite car il ne traite pas l'anorexie comme un malêtre et une volonté de ne plus se nourrir. Ici, Olivia n'a absolument pas conscience d'être malade. Ce n'est pas le cas de toutes les personnes atteintes de cette pathologie, bien sûr, mais il est intéressant d'être aussi désarçonné que l'entourage des personnes malades en regardant ce film. On ne comprend pas ce qu'il se passe, même si l'on voit clairement que quelque chose ne va pas. C'est déroutant, terrifiant et il n'y a rien de pire que de se sentir à ce point impuissant.

Quoi qu'on pense de To the Bone et Feed, ces deux films ont été écrits, réalisés et même joués par des artistes qui souhaitaient s'impliquer dans la lutte contre l'anorexie, faire connaître cette maladie afin qu'elle soit reconnue comme telle et non comme une lubie ou un effet de mode. Cette volonté est honorable et même si le résultat n'est pas une réussite pour tous, ce genre de combat mérite d'être encore mené de toutes les manières et le cinéma fait partie des nombreux supports capable d'ouvrir l'esprit.

1 commentaire:


  1. Merci pour cet excellent article. Je regarderai to the bone prochainement :)

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