mercredi 3 mars 2021

Parler comme tu respires - Isabelle Pandazopoulos


// Editions Rageot //
// 320 pages //

Depuis son entrée au CP, Sybille bégaie.
À la fin de son année de Troisième, elle doit faire un choix d'orientation et celui-ci sera bien éloigné de ce que son entourage avait envisagé pour elle.

Il s'agit là d'un roman très riche, porteur de nombreux messages, abordant bien des sujets si bien que je ne lui aurais pas boudé quelques pages en plus !
J'avais peur que le bégaiement de Sybille ne soit qu'un prétexte tire-larme pour conter comment une victime de la vie fait face à l'adversité mais il n'en est rien.

Sybille déteste qu'on l'appelle "Sissi", surnom qu'on lui a donné suite à des moqueries, pour simplifier son prénom qu'elle n'arrivait pas à prononcer.
Elle ne supporte pas cette oppressante attention dont elle fait constamment l'objet de la part de ses parents inquiets.
Elle hait qu'on la ménage, qu'on la traite comme une pauvre petite chose fragile.
Car Sybille est une adolescente brillante, passionnée, authentique, qui ressent bien plus de colère que de peur contrairement à ce que l'on peut croire. Ainsi grandi en elle une violence dont elle ne se serait jamais crue capable.
Et elle atteint un point de non retour.

Je ne vais pas aller plus loin dans les révélations mais elle fera face au harcèlement, aux non-dits, aux mensonges, au deuil, à la rancœur mais aussi au désir, à l'amour et à sa propre reconstruction.

J'avoue que la relation entre une ado de 16 ans et un adulte de 21 m'a dérangée. C'est évidemment un avis personnel. On n'entre pas dans les détails mais cet écart d'âge n'était pas nécessaire à mon sens.

Sybille a souffert d'être surprotégée - par des parents et amis ô combien aimants - et elle quitte tout pour trouver sa voie mais aussi gagner son indépendance. Alors, oui, qu'elle sorte avec un jeune homme de 21 ans m'a questionnée. A 16 ans et 21 ans on n'en est pas au même point, on n'a pas les mêmes préoccupations ni les mêmes attentes. Balthazar a beau être le garçon le plus doux, gentil et respectueux de la Terre, leur relation n'en demeure pas moins bancale à mon sens. Bancale pour quelques années en tout cas, l'écart s'estompant nécessairement avec le temps. Il a 5 ans de plus, il est majeur, considéré comme un adulte, a bien plus d'expérience qu'elle (sur le plan professionnel, affectif, sexuel). Cela m'aurait frappée de toute manière mais plus encore dans le contexte dépeint par ce roman, avec le vécu de Sybille et ce qu'elle traverse dans ces pages. 

Fort heureusement, ce n'est pas ce à quoi j'ai accordé le plus d'attention car ce que j'ai vraiment aimé, c'est ce parallèle entre la parole et la sculpture, la manière dont Sybille va user de ses mains pour s'exprimer et se révéler. La plume de l'autrice, l'étendue du champs lexical employé pour décrire la rencontre entre Sybille et la pierre, sont un véritable délice. C'est très visuel et à la fois presque viscéral tant le ressenti de notre héroïne est saisissant. Elle va panser ses blessure en modelant la pierre. Outre le fait que cela nous ouvre les yeux sur un monde à part, j'ai trouvé tout cela poétique et salvateur.

En somme une lecture très plaisante, une héroïne battante et un art trop méconnu que j'ai adoré découvrir à travers ces quelques mois d'école aux côtés de Sybille.

Un grand merci aux Éditions Rageot pour l'envoi de ce livre (dont on admire la beauté de la couverture).

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